33 : Passage en Trombe
C'est dur de parler à quelqu'un qu'on n'a pas vu, dont on n'a pas senti la peau, avec les mains, avec le nez – partout. Oui, j'y vais direct, mais j'ai pas le temps ! Pas le temps chronologique. Le mien, il est hors du temps.
La situation des rencontres est toujours imprévisible. Ça commence par la notif qu'un pelo te suit. J'y fais pas toujours trop gaffe car je n'interagis qu'avec très peu de monde finalement. Et puis, il y a peut-être eu un like ou un com, je sais plus, et mon attention a été éveillée. Et j'ai été voir sa page. Je ne suis jamais les gars qui font que des retweets ; j'aime mieux les gens qui parlent par eux-mêmes. Et lui, il savait parler. Clic ! Me voilà abo en retour.
Très vite, le dialogue s'est installé – en DM. Très vite, je l'ai senti glisser de l'intérêt intellectuel et artistique pour mon expression littéraire – il a été lire des textes sur ce blog – vers une attirance plus personnelle, et ce jusqu'au sentiment amoureux qu'il exprima vite et d'un coup. Là, j'ai un réflexe de raidissement. Il y a un voyant rouge qui vient de s'allumer sur mon tableau de bord qui signale un corps étranger en approche. Que faire ? Je l'évite, je m'éloigne, voire je le neutralise ? Ou alors je le laisse venir... Ou alors je vais vers lui également... Ou alors je décide de ne plus rien contrôler.
Je n'ai rien fait de tout cela. Je suis resté pantois. Ça fait plaisir, forcément ; et ça excite le désir, également. Rien n'empêchait d'aller plus loin, car je suis un garçon libre ! quelle que soit ma situation. Et je crois que j'en avais envie.
Mais la liberté affirmée, sur le papier, n'est pas la même que dans la vie. Et dans ma vie, j'ai quelqu'un. Je le dis du bout des lèvres car notre relation a connu des évolutions. Au début, c'est comme dans tous les débuts : un feu d'artifice ! sentimental et sexuel. J'étais très amoureux – ce qui ne veut rien dire, car je suis facilement très amoureux. Jusqu'au jour où il m'avoue m'avoir trompé. Il a le droit. La fidélité n'est qu'un concept social – pas tellement répandu dans la nature. Or nos comportements sont soumis à d'autres pressions, plus fortes, avec lesquelles on compose, ou l'on cède... Je peux comprendre. Sauf qu'il voulait que son autre relation puisse continuer, sans vouloir rompre avec moi pour autant. Là, j'ai senti le mauvais bail, et ce fut la séparation.
Et puis, quelques semaines plus tard, il est revenu... et je ne l'ai pas repoussé. [Je raconterai tout ça plus en détail dans un autre texte.] Cependant, c'était plus pareil, sentimentalement, alors que sexuellement, c'était bien reparti. En fait, on n'a qu'à moitié une relation de couple. On s'aime bien dans la vie, il est agréable, souvent drôle – et souvent involontairement –, mais c'est tout. Il passe parfois quelques jours chez moi, mais pas question de vivre ensemble. Ce n'est plus la passion, mais une sorte de liaison de raison, où la dite raison est avant tout sexuelle, period.
J'avais donc toutes les raisons de me sentir libre, et de ne pas me gêner pour aller à l'aventure... C'était (plus que) tentant. Mais quelque chose m'en empêchait. Rien de défini. Sauf sans doute que, si fortement que l'on puisse être attiré par l'inconnu, on peut malgré tout être plus fortement encore retenu par le connu. Je balance, au gré de ces courants d'attractions contraires et c'est pénible. Mais celui qui fait somme toute partie de mes habitudes, je n'ai pas du tout envie de le reperdre, même pour une exaltation forte ! augmentée de l'attirance naturelle pour la nouveauté. C'est que je pense que la dite nouveauté ne pourrait pas vraiment durer, ne serait-ce que par le si fréquent éloignement géographique...
Je lui ai donc fait savoir que je n'étais pas libre, en précisant tout de même la situation pour lui faire comprendre que les liens de mon couple n'étaient pas si serrés que cela... Je fermais la porte, apparemment, tout en la laissant entrouverte, ne pouvant me résigner à me montrer définitif car j'étais touché, doublement, par la déclaration, et par mon propre sentiment. Ses paroles avaient fait de l'effet, et j'éprouvais vraiment un certain penchant.
Pour me dégager de l'emprise inattendue de ce cher inconnu aimant – de loin physiquement, mais de plus en plus près par l'esprit –, j'ai pensé à tous les pires trucs qui peuvent exister. Je veux dire tous les défauts qu'il pourrait avoir, aussi bien (ou mal) physiques que de caractère. T'imagines même pas comment je l'ai éclaté au sol total !
Et puis après ? Ah, ben après, ça change rien. Enfin si : c'est pire. Mon intéressement pour lui devint pire. J'ai eu beau l'imaginer pas lavé, habillé comme un boomer, en train de chier, de vomir ; un crétin débitant en automate toutes les folies extrémistes à la mode – en particulier (hélas) chez les jeunes gays, facilement sous l'influence d'idéaux licornesques, cachant un réel cauchemardesque. Inutile de préciser : ceux qui comprennent comprendront.
Et bien je crois que si tous ces travers étaient siens, ça m'empêcherait pas une seconde de lui planter ma bite raide de rouquin breton bien profond dans son petit (ou gros) fiak de petite (ou grosse) pédale sans cervelle, incapable de penser autrement qu'avec des putains de dogmes – la plupart importés US – qui sont la négation de l'intelligence et de la raison républicaine ! à laquelle le petit aristo fin de race (mais vigoureux) que je suis tient beaucoup. Parce qu'à ce moment-là, ses idées sur la vie, et le monde, et la société, et les gens, je m'en tape total ! du moment que mes couilles battent derrière les siennes et que je l'entende geindre et suffoquer de plaisir comme la dernière des dernières... ou plutôt le premier ! dans l'ordre des écarteurs.
C'est que j'aime bien, moi, voir écarter un mignon pour moi. Et il l'est, mignon, à ce que j'ai vu de lui, même si ça ne change rien au fait que je veuille le voir s'offrir, sans réserves, au saccage de son cul, impuissant à résister à son propre désir d'abandon et de capitulation sans conditions devant la sauvagerie... Ce n'est pas tant que je sois un brutal, mais plutôt qu'il m'a tellement chauffé que le feu de l'action devient incontrôlable, de part et d'autre.
Bien sûr, d'autres fois, je ne serai que douceur et tendresse, câlineries et caresses, attention et délicatesse. Je l'épuiserai d'abord à force de parcourir son corps entier, de mes yeux, de mes mains et ma langue, dans ses moindres recoins... – chacun ayant compris que les moindres en question sont les plus intéressants. La pression de mon corps, peau contre peau, sera constante et incessante, jusqu'à ce qu'il réclame qu'enfin je porte l'estocade en prenant tout ce qu'il lui reste à m'offrir.
Oui, il va écarter ! avec ou bien sans honte, et certainement sans plus de dignité, pour la pénétration, la fusion dans l'amour, et la copulation, sauvage ou délicate, ou les deux, et encore, et toujours plus encore. Et il ne saura plus, qui il est, où il est, ni qui lui fait tout ça. Ce sera lui et moi, mais ça on s'en balec. Lui, moi ou un autre, le principe est le même, et nul ne peut y échapper. On s'est piégé l'un l'autre, sans s'en apercevoir, sauf quand c'était trop tard. Et l'on n'a pas trop su quoi faire avec ça. Chacun a été bête et chacun maladroit. Me dire ses sentiments, c'était beau, mais violent ! et je n'étais pas prêt, je m'y attendais pas. C'était pareil pour lui. On n'a rien vu venir, mais quand c'est là, c'est là, et l'on est impuissant.
De fait, on a rien fait. On ne s'est pas ken comme on l'aurait voulu, sur tous les tons de la gamme amoureuse, dans tous les genres, bons et mauvais, et dans toutes les postures. Le risque, c'est qu'après avoir consommé tant de chair, on en soit dégoûté – de celle-là en particulier, pas en général. C'est banal. On a eu beau être excités comme des malades, une fois que la chose est faite, tout est retombé, et l'on se retrouve couillon, encombré de la présence de l'autre, qu'on ne désire plus que fuir. J'ai rien contre les charos, car chacun sa nature, et ça marche souvent comme ça, y compris chez les plus romantiques, dégoulinant en dedans de l'espérance inaliénable de la rencontre du (trop) fameux Prince charmant... À un moment donné, il faut se réveiller de ces rêves sirupeux, même si le rêve est à consommer sans modération. C'est que la réalité, elle sera toujours là quand on se réveillera...
Bien sûr que je dis tout et son contraire ! parce qu'il n'y a pas de bon ou de mauvais choix, mais seulement des circonstances. Que choisir entre une mauvaise rencontre et la solitude ? Chacun tentera le coup, tremblant d’espérances folles ! Et tant pis si on se retrouve avec la gueule de bois et du dépit au cœur. « Les mecs sont des salauds. » Chacun l'aura pensé, mais ça ne changera rien : un beau salaud, ça ne se refuse pas ! et l'on ne lui refusera rien... Je laisse chacun peser le pour et le contre entre les remords d'avoir cédé ou regretter de ne l'avoir pas osé.
Tu peux rêver tant que tu veux, et tant que tu es seul, mais avec un boug, ton carrosse (cul rose) n'est plus qu'une citrouille ! Ne va pas te vexer : des fois, c'est pas plus mal.
Le risque, aussi, c'est qu'après s'être tant dévoré la chair, on en soit devenu mordu. Le pire, c'est quand c'est l'un et pas l'autre, parce que ça a été trop rapide, ou trop long, pas assez ceci, ou plus cela. Chacun voudrait que l'autre corresponde à son idéal phantasmatique... alors que ce qui est bien, c'est quand c'est différent ! Et même à l'opposé, on a de belles surprises.
Ben nous, notre surprise, c'est de s'être croisé et d'avoir échangé. Ce qu'il a dit m'a intéressé, et ce que je lui ai écrit l'a séduit. J'avoue, je suis artiste, et je cherche un peu ça. Pas du tout par orgueil ou suffisance ! mais parce que c'est la base de faire quelque chose qui peut plaire – faire de l'effet, quel qu'il soit. C'est le contraire de l'égocentrisme, car je m'efforce à donner le meilleur de moi-même, à condition qu'on le prenne tel quel, sans en vouloir plus, ou que tu ne cherches pas à me représenter à l'image de tes désirs. Je ne suis pas comme ça. Personne d'ailleurs. J'ai ma part de méprisables bassesses. L'humanité est ainsi ! Et je ne suis qu'un homme parmi d'autres pauvres types – mes semblables. Nous sommes pareils et pas pareils, et c'est pour ça que ça vaut le coup.
J'en sais pas beaucoup plus, sur la vie, et sur lui – ni sur toi. Ça ne nous a pas empêché, lui et moi, d'avoir envie de nous aimer, en tant que personnes. J'ai senti très vite, tout comme lui, que ça pourrait être fort entre nous. Pas forcément longtemps non plus, sans que ce soit forcément plus mal. Je ne voulais pas abîmer son cœur, lui faire de la peine, car je ne lui veux que du bien – et plus qu'en général. Et je ne voulais pas non plus abîmer l'intensité de nos sensations premières (toujours uniques).
On n'est probablement pas fait pour aller choisir des meubles chez Ikéa, ou même simplement se regarder des séries au lit ou dans le canapé ; ou de débattre sur qui est bolo ou qui est carbo ? On est fait que pour l'intense. Que pour être ébloui de ce qu'il est et je suis. Sexuellement et intellectuellement. Tout est parti de l'un, et tout revient à l'autre.
Il m'a dit être attiré par l'intellect, et mon expression littéraire sur certains textes l'a particulièrement touchée. Un happy few (que je remercie) apprécie ma prose, mais celle-ci l'a rendu amoureux de moi ! J'aurai jamais cru ça possible, car c'est une chose qu'un texte puisse exciter – ils sont souvent faits pour ça – que d'en éprouver un sentiment pour l'auteur. Faut te dire que l'auteur, en littérature, il n'existe pas ! S'il fait bien son boulot, il doit disparaître, fondu dans les phrases. OK, je suis un débutant et je raconte souvent ma vie, mais c'est anecdotique. Seuls comptent quelques moments de style.
Au final, puisque je lui écartais pas mes bras, il s'est refermé et a préféré s'effacer pour éviter la gêne d'avoir des contacts, forcément embarrassants. Je lui avais proposé de se désabo de moi, pour être tranquille, mais ça ne lui parut pas suffisant. Après m'en avoir averti, il a tristement supprimé son compte.
Et voilà deux malheureux, différemment, qui j'espère se remettront bientôt de ce coup de chaud, insolent. Je regrette beaucoup de ne pas avoir fait de screens de nos trop brefs dialogues. J'en garde quelques bribes en mémoire, mais qui vont s'effilocher au souffle léger, imperceptible, du temps qui passe... Comme c'est dommage. Les mondes finis et infinis de nos êtres, corps et âmes, resteront terra incognita (terre inconnue), comme il était écrit sur des cartes anciennes, à une époque où une part du monde terrestre restait à découvrir.
Quelle enthousiasme éprouve l'explorateur amoureux ! en avançant avec autant de prudence que d'intrépidité, parcourant des étendues charnelles inconnues l'attirant inexorablement à s'enfoncer dans ses profondeurs... Tandis que je ne connaîtrais jamais tes paysages, au lever de mon Soleil comme au couchant de ta Lune. On les imaginera un peu, tout en se rendant compte que c'est trop illusoire : ce réel n'étant plus qu'un idéal perdu. Et nos corps nus se floutent, ondulant sur un horizon qui s'éloigne, comme des mirages dans un désert sans chair.
Mon pauvre ami, mon pauvre amant d'écran, si riche de richesses à donner et que je n'ai pas eu les couilles de recevoir... Qu'est-ce qu'il t'a pris de passer ainsi dans ma vie ? Comme ça, en coup de vent. Comme une tornade qui m'a arraché le toit d'un confort installé, bien sage, pour aussi vite partir souffler ailleurs, dépité sans doute, me laissant la gueule en l'air, face à l'immensité du ciel, ouvert et vide.
Magnifique, émouvant, et tellement dans le vrai. Tu as vraiment les mots, les expressions , les tournures de phrase, le rythme, les images d'un écrivain confirmé. Bravo
RépondreSupprimerMerci... "Confirmé", on verra plus tard. Mais très content de procurer des sensations, émotions au "happy few" qui apprécie mes écrits – alors que je publie moins. Tu me motives !
RépondreSupprimerToujours au top Octave ! C'est du lourd.
RépondreSupprimerLa fraîcheur de tes récits, je ne m'en lasse pas.
Et puis, profite bien de la douceur estivale.
Merci Jowan,fidèle lecteur de mon "happy few"...
RépondreSupprimerJspr être plus constant dans mes publications, mais ça reste un exercice pas facile.
Une pause d'écriture ? Un manque d'inspiration ?
RépondreSupprimerEn tout cas tu un don certain pour les histoires.
C'est vrai que je ne suis plus très assidu à publier ici... mais j'écris toujours ! sauf que je suis plus difficile et mon insatisfaction me fait laisser tomber pas mal de textes en route. Je manque aussi de discipline. Merci en tout cas pour tes encouragements.
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