35 : Après
Je parle ici du corps d'un homme
jeune et vigoureux.
Il est encore nu
moite et chaud
de nos échanges.
On s'est appartenu.
Il a pris le dessus
et j'ai pris ce qu'il avait
à m'offrir
par en dessous.
Donnant donnant.
Je ne saurais te dire
pendant combien de temps.
On l'a fait plusieurs fois.
Fallait bien ça !
Et encore...
Or il n'avait pas que ça à faire !
Ni que moi à foutre...
Chacun sa vie.
Aucun ne connaît celle de l'autre.
Pour quoi faire ?
On sait ce qu'on veut...
et ce n'est rien d'autre
que l'autre
qu'on a eu
comme on l'a eu.
Maintenant, c'est fini.
C'est fini pour toujours !
À moins que...
Moi je dirais pas non...
mais c'est lui qui décide.
Tu connais les hommes
– j'imagine –
et tu sais qu'autant ils sont fébriles
avant
autant ils peuvent être distants
après.
Avant, après, leur satisfaction.
La seule qui compte
en fin de compte.
Ils sont ainsi faits :
ils vont tout donner !
et tout reprendre...
en un rien de temps
– ce qui est déjà quelque chose !
assurément.
Entre l'avenir et le passé,
il n'y a que le présent.
Ce n'est pas forcément là où l'on est
le mieux,
mais c'est là où l'on est
le plus souvent,
à rêver, ou à se souvenir.
Ou les deux
comme moi
ici.
Être ensemble ne coûte pas grand chose :
un peu de culot par-ci,
moins de pudeur par-là.
Rien de bien compliqué.
« Plus facile à dire qu'à faire ! »
vont penser certains...
Ils ont raison.
Moi aussi, j'ai connu la timidité,
avant.
Mais moins depuis.
Moins depuis que je suis passé à la casserole !
Et que j'en ai fait aussi sauter comme des crêpes...
Tu connais.
Sinon, tu devrais.
J'ai franchi le pas
et depuis j'avance
à mon rythme.
Et dans ce pas à pas,
il est là
à un moment
donné.
Il est là, il fut là !
À peine le temps
non pas de se connaître
mais de se sentir
physiquement.
C'est déjà bien beau...
et l'on devait être beaux
à voir.
Quel spectacle !
joué à guichet fermé...
Il y a des limites.
Même si,
en matière de sexe,
les dépasser,
c'est plus que tentant...
Nous aussi
on s'est tenté
l'un l'autre,
et l'on a succombé,
bienheureux,
à la tentation.
Et l'on a eu raison.
Plutôt deux (ou trois) fois
qu'une.
Mais à présent, le dit-présent appartient presque déjà au passé.
Le temps n'est plus aux ébats,
mais à reprendre le cours de nos vies
respectives
qui ne se sont croisées
que le temps de quelques respirations
saccadées.
Il pousse un dernier long soupir
et s'assoit sur le lit
les pieds au sol.
Il se passe un temps.
Il se retourne
et me regarde
avec un sourire.
Et dans ce sourire
il y a du bonheur de ce qu'il a vécu,
de la fierté de m'avoir possédé
en tant qu'esclave du plaisir qu'il m'a donné,
et qu'il a pris,
de la nostalgie
de ce qui va disparaître...
Mais c'est un homme !
et il se lève
d'un coup
tout droit.
Et il s'étire
m'offrant un dernier aperçu
de sa musculature
en mouvement.
En fait,
ce côté-là,
je le découvre...
Il a de belles fesses.
Surtout qu'il se penche
pour attraper son T-shirt
– tous nos vêtements jonchent le sol
éparpillés.
Pose furtive de ce garçon
à demi-nu.
Ça lui va bien.
Tout lui va bien !
Le tout, comme le rien.
Et il ramasse son slip.
Un slip rouge,
à l'ancienne.
Dans la foulée,
il l'enfile rapidement
comme s'il ne voulait plus
que je vois ce qu'il y a à voir
d'intéressant.
L'intérêt a disparu
avec sa satiété
rassasiée.
Je l'observe au ralenti...
Une jambe,
puis l'autre,
et voilà que le rideau met un terme au spectacle...
celui de sa nature virile :
des poils,
de la peau,
de la chair,
du sperme.
Tout est si doux...
Ma mémoire photographie
image par image.
Inoubliables.
Son slip en place
est plein de lui,
de son essence,
de son identité.
C'est un monsieur.
Affaire réglée,
rondement menée.
Le pantalon suit
avec le dernier moment de bravoure
de le voir fermer sa braguette.
Il la ferme avec ses doigts,
sans penser à ce qu'il fait
et donc que ce qu'il fait
est à la fois une merveille !
et un drame...
Merveille parce que c'est un rituel masculin par excellence !
et drame parce que c'est l'acte final
qui me sépare définitivement de son point d'attraction ultime,
le pôle qui attire toute mon attention
de sa force magnétique irrépressible,
me déboussolant totalement.
C'est qu'il y a de quoi en perdre le nord...
Tandis que lui, il vit avec, depuis toujours.
On a juste partagé un moment de vie en commun.
Pas n'importe lequel :
un moment d'exception !
Pas besoin d'en dire plus.
Et voilà que ses doigts merveilleux tirent un trait sur tout ça
au son bref de son zip.
C'est déchirant...
Je pardonne à sa main
qui m'a fait tant de bien,
même en claquant mes fesses !
sans y aller de main morte.
« Elles sont faites pour ça ! »
m'a dit un autre gars.
Pour ça, elle est vivante,
et moi aussi, c'est sûr,
bien plus qu'à l'ordinaire.
Je voudrais l'embrasser
et lui lécher les doigts,
comme un chien
aussi soumis qu'aimant.
J'adore les doigts des mecs.
Ils peuvent faire plein de choses avec !
plein de choses avec moi
ou des parties de moi.
C'est comme ils veulent...
Pour moi, c'est OK.
Il y en a de deux sortes :
les longs et fins
(à la Chopin)
tout-à-fait adaptés pour t'empoigner la queue
un peu maladroitement
en te massant les bourses
avec délicatesse.
Des mains de bottoms
à tous les coups.
Et puis, t'as les paluches !
larges, aux doigts épais.
Et s'ils sont rongés
c'est encore mieux.
Celles de travailleurs
sont de loin les meilleures.
Moins douces que les fines
mais plus émouvantes.
Ton corps est comme de la glaise
entre les mains du potier,
ou d'un sculpteur
à la Rodin
qui va te remodeler
selon ses désirs
et son attirance.
Je dois dire
que susciter de l'intérêt sexuel
chez ce genre de gars
est pédalement parlant
totalement vertigineux !
Pour moi
il n'y a pas mieux.
Et le gonze dont je parle
est de cette catégorie.
Pédé ou pas
ça reste un mâle !
Même s'il aime se faire trouer
et défoncer la rondelle
en poussant de petits cris.
Même si c'est un fluet
qui lui met le paquet.
Souvent, tu en vois
qui ont l'air de fragiles
et qui sont montés comme des ânes !
Mais même si c'est pas le cas,
Le boug va quand même couiner
comme une chatte en chaleur
– ce qu'il est, cette salope !
et il a bien raison.
Tout le monde a raison.
Revenons-en au mien,
celui qui se rhabille
pressé de s'en aller
alors que rien ne presse.
Le mec a tout son temps
mais ne veut pas rester.
Il a fait ce qu'il avait à faire !
et je deviens encombrant...
Physiquement,
parce qu'il gardera quand même de moi
un excellent souvenir
dont il se rappellera
avec un petit sourire...
T'as capté.
Par fierté,
il s'est tourné face à moi
pour faire ça – refermer sa braguette.
Quelle émotion...
Je ne vois que ça,
l’œil rivé dessus,
mais j'imagine son sourire, au dessus,
et il a raison de penser ce qu'il imagine que je pense...
Il a raison sur toute la ligne !
La ligne du seul horizon qui m'importe :
celui de la bosse qui trône en majesté
à l'entrejambe.
C'est que je sais exactement ce qu'il y a derrière !
et juste le savoir est plus fort
que le voir.
Ça s'appelle l'érotisme.
J'ai écarté
pour Ça
pour Lui.
Pour ce qu'il a là
parce que c'est la sienne.
On ne peut rien faire de mieux
pour un homme.
Il n'y a pas de meilleur moyen
de s'ouvrir à lui.
S'agenouiller, aussi,
devant lui, à ses pieds,
à la fois pour... TMTC
mais aussi par dévotion
pour ce spécimen
très représentatif
de l’engeance virile.
C'est pour ça que j'ai écarté :
par principe
et par amour !
Même si le temps nous est compté
pour expériencer le contact,
on a tout intérêt
à tout lâcher !
sans la moindre retenue.
Et si tu penses avoir honte
de le raconter,
c'est que tu as fais ce qu'il fallait
pour que lui en fasse autant.
Ce qu'il fait, à présent,
c'est de renfiler
chaussettes, chaussures, blouson.
Comment a-t-il fait pour reprendre aussi vite
une allure normale !?
comme si de rien n'était...
Et je suis encore là, nu, sous ses yeux.
De fait, il marque un temps.
Lui aussi me photographie
mentalement.
Mais la fête est finie.
Un signe de tête,
un signe de main,
et salut.
Je n'ose dire un mot
sachant qu'il serait de trop.
Il est déjà dehors,
la porte refermée.
J'entends son pas pressé
qui s'estompe rapidement.
C'est fini
sans presque avoir commencé.
Je crois que j'aurai pu l'aimer
vraiment
longtemps.
Au suivant !
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