36 : Ton crush de 5ème

 Ce qu'il y a de bien, chez l'autre, en plus d'être pareil que toi, c'est qu'il n'est pas comme toi. Il est pareil et pas pareil ! Les deux sont très importants. Il a les mêmes choses que toi, aux mêmes endroits, mais elles sont différentes. Et tu peux tout comparer, tu verras comme c'est bien de ne pas être identique – d'ailleurs, détailler un mec sous toutes les coutures, c'est ce que tu préfères faire... Pour ça (tu connais), le mieux, ce sont les vestiaires. Bien sûr, tu peux toi-même être complexé et vouloir rester invisible dans ton petit coin sans surtout te faire remarquer... Avoue malgré tout que c'est exceptionnel d'être au milieu de tous ces corps qui se dévoilent, avec leurs odeurs, les zones de chair visibles, et les rires, et les cris, et toute cette ambiance si particulière de garçons entre garçons...

N'as-tu jamais rêvé être la reine de tous ces bourdons te bourdonnant autour ? Moi, si ! mais sans rien imaginer de plus que des regards plein de désir, des mains qui me frôlent, ici ou là, des souffles sur mon cou. Je suis nu, et eux non. Je danse de façon lascive et ils sont fascinés. Je suis une princesse captive d'une bande de redoutables pirates, insensibles à la pitié, pour qui je dois dévoiler tous mes charmes qui les ensorcellent... Étant la part la plus précieuse de leur butin, j'ignore s'ils vont me tirer au sort, ou m'offrir en récompense au vainqueur de je-ne-sais lequel de leurs jeux barbares et brutaux ; peut-être pas le plus beau, mais certainement le plus fort, qui m'aura bien mérité... Ou alors, tout bonnement, conformément au grand principe d'égalitarisme de la flibuste, me partager entre tous ! La plupart ne disent rien, muets, la bouche ouverte. Quelques exclamations fusent, par ci par là. Des éructations, ou des grossièretés. Cela m'encourage ! tandis que, parmi eux, il y a autant de gêne et que d'excitation. Bien malgré eux, beaucoup de sexes ont durci dans leurs shorts – j'en devine, à la dérobée. C'est que la nudité complète et réelle (non virtuelle) est totalement inhabituelle pour ces tous jeunes gens. Leur maturité sexuelle est en formation et donc encore relativement imprécise, ce qui fait que le corps gracile d'un joli garçon, qui plus est en démonstration par la danse sensuelle, ne leur est pas du tout indifférent. Ils regardent mon sexe sautiller comme un espiègle petit lutin, au rythme de mes voltes et virevoltes, avec amusement et fascination hypnotique, même si ce qui retient le plus leur attention, au milieu du fouillis de mes mouvements amples, des ondulations de mon ventre, de mes bras, de mes cheveux de feu, ce sont mes fesses ! si joliment dessinées, qui se dandinent au gré de déhanchements, de coups de reins et autres secousses de croupe, avec parfois un air de twerk improvisé et approximatif, sans oublier des écartements très explicites, faisant monter à mesure leurs vociférations désordonnées, comme une meute à l'hallali attendant le signal de la curée...

Dans la réalité – une fois le fantasme dissipé –, entre tous ceux de ta classe, il y en a cependant un (et un seul) de qui tu accepterais tout. Parmi tous ces garçons qui te charment, d'une manière générale, il n'y a que lui qui te plaise à ce point, et d'une manière si personnelle, pour ne pas dire particulière... Qu'il soit plus ceci ou moins cela, peu importe, puisque tu trouves que ça lui va bien. Logique : tout ce qui fait garçon va bien à un garçon. Tu n'as pas eu à t'en rendre compte... car, d'aussi loin que remontent tes souvenirs, ils te plaisent, tout simplement. Tu les trouves beaux, et même captivants, et tout ce qui les concerne est intéressant. Dès la sixième tu le regardais différemment des autres. Celui-là t'attirait plus, mais sans raison évidente, ni chercher à comprendre. Tu l'aimais bien, voilà tout. Tu étais habitué à ça ; ce n'était pas le premier, lequel remonte au CP ! Donc c'était intégré que tu appréciais beaucoup les mecs, sans rien savoir de ce qu'était l'homosexualité. Chacun a son histoire de cette révélation. Chez certains, ça peut être tard, mais pour la plupart des gays que je connais (IRL ou en virtuel), c'est comme moi : depuis toujours. Sans être vraiment sexualisée à ces jeunes âges, on se rend compte que la fascination est là, et qu'elle est de plus en plus forte à mesure qu'on grandit.

En cinquième, la finalité de cette inclination, elle restait encore plus que floue. Disons que t'avais envie qu'il soit ton copain ; et non seulement ton copain, mais que vous soyez meilleurs potes, et même inséparables ! tout le temps ensemble, à faire des trucs trop cools. Et cela même si les autres allaient trouver ça bizarre, qu'ils puissent rigoler en vous voyant et disent : « Alors les pédés, ça suce ? » Au contraire, ça te ferait plaisir, même s'il n'y avait rien de chelou entre vous. Je dis « chelou » mais tu auras compris que ça voulait dire : « merveilleux » ! Et le mieux, ce serait quand vous n'êtes que tous les deux. Rien que ça, c'est un idéal fabuleux ! Seulement, ce gars, ton gars, il en a déjà, des potes – et pas des fameux... peu fréquentables, comparés à toi qui est sage et propret, toujours dans les premiers de la classe. Et malheureusement, vu le décalage, il a pas trop l'air de te calculer... C'est vrai qu'entre eux, ils sont exubérants, ils crient, s'insultent et rigolent fort. Toi, c'est tout le contraire : tu es discret, parle plus doucement, est plus solitaire – même si tu as de bonnes copines... ce qui n'est le cas d'aucun vrai mec ! Ils commencent sérieusement à les mater, certains ont même des petites copines (pour la forme), mais ne les fréquentent pas du tout de la même manière que des potes. La preuve, en classe, ils se mettent presque tous à côté d'un pote et pas d'une meuf... comme moi j'ai fait.

J'ose pas te parler de son visage, puisque c'est un soleil qui t'éblouit ! C'est difficile de dire pourquoi, comment... mais c'est un agencement magique des yeux, du nez, de la bouche, des cheveux. Tu aimes trop comment il fait quand il essaye de les arranger en disant : « Mes cheveux, c'est n'importe quoi... » C'est amusant, parce qu'ils sont magnifiques, de toute façon, quoi qu'il fasse. Ses expressions aussi. Il en a plein ! et toutes sont bien. Tout en lui est charmant, envoûtant, avec sa petite tête là ! sa trogne, sa gueule, sa frimousse. Il est adorable, on peut rien dire, et juste l'adorer. Il t'a tapé dans l’œil, et maintenant tu as un sacré coquard ! qui n'est pas près de partir... C'est cet œil qui a tant fait d'effort pour scanner de haut en bas, et dans tous les détails, ce corps habité de chaleur et de pouvoirs mystérieux. Celui d'attraction t'a attaché à lui, irrémédiablement, mais il doit en avoir quantité d'autres ! C'est un super-héros ! aussi merveilleux que terrible, parce qu'il t'est inaccessible...

Quand tu peux pas – que tu n'oses pas – regarder un mec en face, le mieux, c'est de le regarder de dos. Là, tu crains rien. Et puis, ça reste « lui », ce gars sur qui tu crush. La moindre parcelle de lui, c'est lui ! C'est lui tout entier ! Ce que je préfère, en le matant par derrière, c'est regarder sa nuque. Je sais pas, c'est masculin, avec le dégradé de la coupe. J'aime bien aussi, l'arrière des genoux – sans savoir comment ça s'appelle [après recherches, c'est la « fosse poplitée »]. Enfin bon, toi comme moi, à partir du moment où c'est à lui, ça nous rend ouf !

Autre avantage d'être derrière, c'est que tu peux bien reluquer son cul, surtout si c'est dans les escaliers... Ça ne va pas durer très longtemps, mais quel spectacle ! Tu n'en perds pas une miette, enregistrant tout le mouvement au ralenti. On est sur ses parties intimes, ce qu'il cache en permanence, et qui donc est attirant. En plus, s'il est en short, il y a les mollets, couverts d'un duvet plus ou moins visible. Ça commence... les poils, et avec, le grand cirque de la sexualité. Mine de rien, ça change tout ! On est quand même en cinquième ! La primaire est bien loin... et même l'année de sixième, où l'on était les plus petits du collège, après avoir été les plus grands de l'école. Ça fait un choc. Faut pas trop la ramener, trouver ses repères. Et donc, là, tu es plus rodé à la jungle du collège. Tu dois rester attentif, mais t'es plus à l'aise. Enfin, sauf s'il est dans les parages...

Celui qui attire toute ton attention, tu le connais par cœur. Pas besoin de dire son nom, tu le sais aussi plus que par cœur, d'autant que c'est le plus beau nom qui existe... Tu te l'es répété en boucle, jusqu'à t'en étourdir. Tu l'as écrit, aussi, sur des pages et des pages, en petit ou en grand, parfois à côté du tien, avec des cœurs. C'est pas un nom, c'est un sortilège... Impossible de le dire, l'entendre ou le lire sans être troublé, profondément. Les pouvoirs de ce mec sont insane ! Il te ferait faire n'importe quoi, s'il le voulait. Tout ce qu'il voudrait. Peut-être même devant tout le monde ! T'imagines ? Oui, tu imagines... Et tellement d'autres choses. Tout ce qu'il voudrait... si seulement il le voulait.

Vous étiez dans la même classe l'an dernier, et cette année aussi ! Quelle joie ce fut de le savoir... Encore une année, toute une année de ta vie, de la sienne aussi, à être ensemble. Pas ensemble comme un couple, ni même vraiment des potes, mais au même endroit, presque tout le temps. Tu le vois, tu entends sa voix, quand il répond, ou quand il rit. Tu aimes son rire. Tu aimes tout de lui, ce qu'il est et ce qu'il fait. Normal : il est parfait ! C'est extraordinaire comment il est extraordinaire...

Mais bon, qu'est-ce que tu peux espérer ? Vous avez 12 ans de toute façon... C'est assez pour se regarder, sans rien dire. Peut-être un sourire... peut-être pas. Se toucher ? Volontairement ? Se toucher pour se toucher, pour être en contact de l'autre. Se voir aussi... complètement, sans rien qui cache rien. Là, c'est du pur délire ! Trop impossible. Vous feriez quoi dans cette nudité ? Rien de moins que ce que vous auriez envie, sans que cela soit précis, car tu ne le sais pas plus que cela. Perso, à 13 ans, j'ai adoré être avec un garçon – évoqué à la fin de ce texte –, tous les deux nus, enlacés, dans mon lit [j'en ferai sûrement un texte (un de ces jours)]. On ne faisait rien de plus ! à part quelques caresses, mais c'était le bonheur total... Enfin là, dans tes fantasmes, tu comptes sur lui pour les initiatives... C'est sûr qu'il en aura ! Il est un garçon entreprenant, comme tous les garçons qui se respectent, et tu ne demandes qu'à être entrepris. C'est peut-être plus facile, finalement, puisqu'il n'y a pas d'enjeu véritable. L'an prochain, en quatrième, ce sera autre chose ! Rien que de dire « quatrième », ça fait grand. Ça fait : on peut, on est des hommes – on a du sperme ! Là, les poils ont bien poussé : les jambes, le pubis, les aisselles peut-être, et le duvet de la moustache – mon préféré. C'est quelque chose ! quelque chose de très intéressant. On n'en n'est pas encore là... même si certains se sont peut-être déjà tiré 2 ou 3 gouttelettes blanchâtres.

En revanche, oublie les troisièmes ! Ils crachent, ils rotent, ils pètent ; sont grossiers, brutaux, parce qu'ils sont forts et se croient tout permis. Franchement, ils font assez peur. Grosses voix, grosses queues, sales gueules pleines de boutons, rire gras, les couilles pleines. Toujours à se les toucher. Ça les démange grave, et ils bandent sa mère dans leur froc pour un rien, genre une « bonne » qui passe dans les parages. Et quand ils se branlent (en pensant à l'une ou l'autre), ces sauvages balancent de vraies giclées qui fusent et font un bruit zarbi en retombant. T'imagines ?

Ce que tu imagines, c'est lui, lui, et toujours lui. De fait, qu'est-ce que tu aurais de mieux à faire que de penser à lui à peu près tout le temps ? Quiconque l'aurait vu, à cet âge, au même âge, en aurait été instantanément subjugué... Mais bon, attention : c'est toi qui l'as repéré en premier ! Chasse gardée ! Je conseille à personne de l'approcher de trop près. Après, le pire peut toujours arriver, genre qu'un jour (de malheur) une fille vienne lui minauder autour et qu'il en tombe amoureux... Il n'y a rien de pire que d'être amoureux ! Il pourra plus rien faire. Et toi non plus... C'est vraiment dégueulasse parce que la compète est très inégale. On peut pas lutter. Les mecs sont attirés par les meufs, c'est clair, et il y en a toujours qui n'aiment pas trop les gays. « Pédé » restait l'injure la plus courante à mon époque du collège. Ceci dit, moi ça m'amusait, parce que j'avais l'impression que tous ces gars parlaient de moi, que j'étais dans leur bouche à chaque fois, un peu comme s'ils me roulaient une pelle... Oui, je suis débile, mais j'avoue que ça m'excitait aussi, en même temps. À force de dire ce mot, il en devenait banal, presque anodin – et de fait, pour beaucoup, il était totalement déconnecté de son sens premier, un peu comme pour : « bâtard », très employé aussi, et sans rapport aucun avec sa vraie signification.

Tu préférais ne pas penser à sa perdition auprès d'une meuf (moche, en plus), et plutôt user tes yeux à force de le dévorer avec ! à chaque occasion. Remarque, c'est plus « lécher » qu'il faudrait dire. En vrai, tu en serais capable. Beaucoup seraient dégoûtés, mais pas toi, bien au contraire. Tu en rêves même ! de lécher entièrement son corps, sans oublier 1 cm2 de peau. Quel parcours de délices ! Quel voyage dans la plus belle contrée du monde... La saveur de sa peau, très douce, tiède, légèrement salée. A-t-elle le même goût partout ? Tu te le demandes et est très curieux et impatient de le découvrir... Cela prends du temps, car on ne se rend pas compte de ce qu'est passer sa langue partout, lentement, en appuyant. Le début, avec les pieds, tu vas adorer. Déjà, c'est un premier contact direct avec sa peau, sa chair, son corps, et donc très suffisant pour t’enivrer... Et puis les pieds ont un parfum un peu plus fort, masculin, et il y a la forme des doigts, surtout le pouce, très agréable à sucer. Il n'y a aucune partie de son corps qui soit secondaire ! mais certaines sont forcément plus marquantes. Tu penses à la même chose que moi... Mais cette « chose » est tellement... incroyable, inimaginable, impressionnante. Les mots me manquent, forcément, car c'est le point central, capital, qui fait qu'il est bel et bien un garçon, et que c'est la raison pour laquelle tu l'aimes au dessus de tout ce qui existe.

C'est obligé que son sexe soit un attribut sacré ! et ne serait-ce qu'imaginer le toucher, l'avoir entre tes doigts est quelque chose d'incroyable... Tous les garçons en ont un, mais lui seul a le sien... Peu importe sa taille, son aspect : il est à lui, et c'est donc le plus admirable ! aussi bien au naturel que quand il est raide... n'osant pas imaginer que ce soit toi qui puisse lui faire cet effet.

Bon, tout cela est (encore et toujours) plus du fantasme que de l'action potentielle, voire même du désir, de part et d'autre. Ce sont des comportements bien plus d'adultes, même s'il ne faut pas sous-estimer les mauvaises pensées du jeune âge. Moi, par exemple, j'aurai pu en être capable... mais n'aurai peut-être pas été jusqu'au bout. Il y a un dilemme entre le défi du désir, et la réalité d'un autre corps dont on a aucune habitude, et encore moins aussi intime. Toucher, caresser, palper, peut-être, mais au-delà, c'est moins évident. Je pense que j'aurai pensé qu'il pisse par là aussi, et ça m'aurait sans doute dégoûté... Ceci dit, Louis (mon premier amant bottom), m'a raconté que tout petit il était prêt à tout ! ayant commencé très jeune, par exemple, à s'enfoncer des doigts, puis des objets... Et toi ? Tu, tu aurais été partant, à cet âge ? Mais si lui te le l'avait demandé... au risque de le perdre, comment lui résister et ne pas vouloir le satisfaire ?

Réveille-toi. Tu rêves éveillé. Et ce rêve, il n'arrivera jamais, tu le sais bien. D'abord, toi, t'es moche, forcément, parce qu'on se trouve à peu près tous moches ! surtout en comparaison à notre crush, qui est dans l'idéal absolu de beauté. Pourquoi s'intéresserait-il à toi ? Déjà, il y a de très grandes chances (risques) qu'il préfère les filles... Tu en as bien conscience, mais tu fais comme si... Comme si quoi ? Comme si il y avait malgré tout quelque chose de possible... sans cette fois oser imaginer quoi. Tu serais preneur du moindre rapprochement, c'est sûr et certain. Une parole échangée, à défaut d'un baiser. Lui serrer la main, à défaut qu'il prenne la tienne, devant tout le monde. Une bagarre simulée, à défaut d'une étreinte. Avoir son num, et lui le tien, et voir son nom s'afficher sous « Appel ». Qu'est-ce qu'il pourrait bien avoir à te dire ? « Tu viens jouer à la play chez moi ? » Et te voilà dans sa chambre, assis sur son lit, entouré de ce qu'il aime, ses affaires, et tout. Tout ce qui est son univers intime. Ça fait beaucoup à découvrir d'un coup. Trop ! même si, en matière d'amour, rien n'est jamais trop.

Est-ce qu'on peut aimer autrement que dans la passion, exclusive ? Oui, sans doute, surtout lorsque la sexualité véritable entre dans nos vies. Il y a des gays qui sont plus dans le charnel que dans le sentimental ; des charos qui consomment de la chair comme des morts de faim ! sans jamais s'en rassasier. J'en parle dans le billet précédent : « Après ». Je ne juge pas ! mais ça ne laisse pas trop de place pour une histoire d'amour. Et le mieux, c'est le sexe... avec l'amour.

En attendant, ton attention à lui peut être très concrète dans les observations. Je parle de la petite bosse visible de son survet, là où tu sais. Me racontez pas d'histoires... on a toujours un œil qui traîne instinctivement de ce côté. Comment ne pas voir cette légère protubérance ! lorsqu'on la guette avec un appétit de chasseur de scoop. Elle n'est pourtant peut-être pas plus marquée que pour d'autres – chez la plupart de qui l'on ne voit rien du tout... –, d'autant qu'on ne peut la remarquer que dans certaines postures, et qu'il n'y en a pas beaucoup, il faut bien le reconnaître, car, quel que soit le mec, à cet âge, ça ne prend pas (encore) des proportions notables. Mais tu analyses le moindre pli... et il est vrai qu'avec les yeux de l'amour, la plus petite supposition prend tout de suite certaines proportions. Et puis, surtout, c'est de la sienne qu'il s'agit, et ça change tout. Chez un autre, on s'en fout... comparé à lui, qui est incomparable ! en plus. Mais le fait est que, par moment, quand on a un œil exercé à traquer ce genre de phénomène, on voit vraiment quelque chose, une sorte de faible renflement, là, tourné vers sa gauche. Et l'expert que tu es devient formel : non seulement c'est le signe qu'il y a bien quelque chose, mais encore tu te fais fort d'affirmer ce que c'est, sans le moindre doute ! Rien que de te remémorer cette présence, tu as envie de te toucher, et c'est ce que tu fais. Tu te tripotes, pensant que c'est la sienne que tu tripotes. Ça te fait rire, tellement c'est énorme, comme perspective. Comme quoi, il est capable, par sa seule puissance à exister, de te procurer du bonheur, même en n'étant pas là, ni être au courant de rien... Quel mec ! quand même.

Et puisqu'on en est à parler zizi, une fois, aux urinoirs, vous vous êtes retrouvés à pisser l'un à côté de l'autre. T'étais là en premier, et quand tu l'as vu se poster à ta gauche, ça t'a foutu un choc ! Vous étiez donc tous les deux la bite à l'air, à faible distance l'un de l'autre, avec le petit gargouillis de vos jets comme accompagnement... Impossible de tourner la tête, évidement, mais c'était encore pire (ou mieux) de savoir sa présence si proche, sans le voir... et sans la voir non plus, alors qu'elle était pourtant bien visible, à l'air libre ! ce qui n'est malheureusement pas fréquent. Quelle ironie... À un moment, tu as pensé : « Si tu veux, je peux te la tenir... » Et tu t'es mis aussitôt à rougir très fort car tu as eu peur qu'il ait capté ta pensée... Et rougir encore plus, car, si ça se trouve, lui avait tourné la tête pour te regarder et voyait que tu rougissais. Mais toute cette mascarade n'a bien entendu pas durée bien longtemps et tu l'as senti partir, sans s'arrêter pour se laver les mains. Pas de temps à perdre avec ce genre de truc. Un bonhomme fait pas ça. Il arrive, il sort sa queue, il pisse et il s'en va. Ça marche aussi si tu remplaces « il pisse » par « il baise ». Mais bon, là on anticipe sur la chronologie. Pour le moment, tout le monde est puceau ! « Et si j'étais le premier... à le faire jouir. » Cette pensée t'est venue comme si tu étais une sorte d'élu, destiné à cette impérieuse mission... Mission que tu as acceptée immédiatement ! « Qu'il en soit ainsi... » Et toi, en te lavant les mains et te regardant devant la glace, tu étais tout sourire, persuadé que cette révélation serait prémonitoire... Tu y as souvent repensé après, ainsi qu'au fait d'avoir pissé ensemble. C'était irréel comme moment, et tu t'es même demandé si tu le l'avais pas inventé... ton imagination t'en ayant persuadé. Évidemment, il y a fort à parier que lui n'aura même pas remarqué ta présence...

Mais bon, ce ne sont pas ses parties génitales qui t'obsèdent, ni même t'intéressent en premier – à part pour la curiosité et le jeu d'en débusquer l'empreinte. Franchement, ce qui est le plus important, c'est son visage. Il est encore enfantin, mais déjà marqué par certains traits plus masculins. Des sourcils un peu épais, le nez qui grossit, une ombre sur la lèvre supérieure. La voix aussi commence à muer, et le moindre accent changeant te bouleverse. Mais aussi son attitude. L'an dernier, c'était juste un gamin, très joueur et très rieur, tandis que là, il commence à prendre des postures... à avoir des airs plus sérieux, plus fiers on dirait. Moins souriant qu'avant, mais plus imposant. Son regard aussi s'est un peu assombri. Son regard, c'est son âme, c'est sa plus grande force, c'est ce que, finalement, tu désires le plus de lui. Comme cette fois, où il est passé, en marchant tranquillement, à une certaine distance, et qu'il a tourné la tête pour te regarder. À force de le mater en permanence, il a dû le remarquer... Et là, il t'a toisé, comme un défi. Un défi de quoi ? De te jeter à ses pieds, pour les embrasser ? Ou à son cou, encore pour l'embrasser ? Ou n'importe où, toujours pour l'embrasser... Un mot ! et tu obéirais à tout, sans le moindre regret pour ta dignité sacrifiée à l'autel de sa vénération. Son regard t'était supérieur, comme celui d'un seigneur sur son féal vassal – fidèle à son service. Mais ce n'est que justice ! tant il est au dessus de tous, de par la moindre parcelle de sa personne qui est un sujet d'une aussi grande admiration que de respect. Et pour lui, c'est tout naturel... car il est comme un enfant qu'Apollon aurait fait à Dionysos (!). Son caractère divin est en tout cas absolument incontestable... Chacun de ses mouvements est saisissant, chacune de ses paroles est envoûtante, chacun de ses airs est captivant. Sans un mot, il te renverse, et tu l'en remercies, comblé d'avoir un bref instant – suspendu dans le temps – croisé son impérieux regard qui t'a pétrifié de crainte et de bonheur mêlés. Intérieurement, tu es sonné, comme par un effet de souffle qui a coupé le tien. Les yeux dans les yeux... lui, l'immense lui, et toi, le misérable toi... Il aurait pu s'arrêter et t'humilier, d'une phrase, d'un mot, d'un geste. Tu n'aurais pas bronché, transpercé de son trait, comme un saint Sébastien soumis à son supplice. Devant lui tu es nu. Vulnérable à plaisir. Tu es en son pouvoir, et tu es consentant, attendant qu'il accepte, à son tour, d'en user. Et avec ce regard, il t'a dit qu'il sait tout ! Puis il l'a détourné, et il s'en est allé, calmement, souverain, te laissant terrassé.

Mais enfin, un beau jour, il y aura eu un premier sourire... Un vrai ! Pas un moqueur, ou un narquois, ou un jsp. Un sourire bienveillant. Un qui veut dire : « Ça va, t'es sympa. » Et peut-être même : « Je t'aime bien. » – bon, je m'avance un peu, mais c'est pas impossible. Le sourire, il sera venu après un rire. Un que tu auras provoqué, parce que tu auras dit un truc marrant en classe. C'est universel : être drôle, c'est être sympathique. Tout le monde aime bien les gens drôles ! y compris celui que tu aimes bien aussi – même si c'est beaucoup que tu l'aimes. Et même à un point qui ne se dit pas. Mais son rire, ça te dit ! Un rire en cascade de bonheur que tu percevais bien parmi ceux des autres. Il était d'une nature joyeuse, et que ce soit toi qui le fasses rire était au moins aussi puissant (pour toi) que si tu l'avais jouir... La prophétie commençait-elle à se réaliser ? Mais comme il n'était pas question de ça, même si ça revenait parfois en pensées, disons que tu lui donnais alors le plus de plaisir possible, compte tenu des circonstances. Et c'était réciproque, car son rire était un ravissement délicieux à entendre.

Après ça, tout est devenu plus facile... Il t'a parlé ! régulièrement. Il t'a dit des choses que tu ne sais même plus quoi parce que tu n'entendais que la musique céleste de sa voix. Tu approuvais tout, même des trucs idiots, qui te gavaient. Tu as fait mine de t'intéresser au foot par exemple, et au skate. Là, c'était plus facile car tu en faisais un peu, mais en débutant... Lui, il connaissait des tricks qui forcent l'admiration ! (surtout la tienne) car vous avez même été ensemble au skatepark, avec d'autres. Tu n'es pas monté sur ta planche, de peur de te ridiculiser devant lui, mais tu as pu le filmer ! sans que ça soit chelou. Et tu l'as complimenté après, ce qui n'était pas difficile car tu fus subjugué ! Et en vrai il se démerde bien. Il a été content de t'entendre faire son éloge, car on croit toujours les compliments qu'on nous fait. Tu y croyais aussi... Ça t'a rendu plus sympathique à ses yeux – ses yeux magnifiques ! Vous avez mangé au McDo et au kebab – une première pour toi... (le kebab). Tu auras adoré l'inviter, mais tu n'as pas osé, ayant peur qu'il trouve ça trop étrange... Vous avez également été au ciné, assis l'un à côté de l'autre, dans le noir, voir un Marvel – encore une première ! n'ayant jamais été fan de ces américonneries formatées pour QI à 2 chiffres. C'était : « les Gardiens de la Galaxie ». Pas la peine de te demander de raconter le film, car tu l'as très vite oublié ! Ne retenant que ce moment passé côte à côte, où lui a pas mal gesticulé. Faut se contenter de ce qui arrive. Ah, comme ce film (d'une médiocrité abyssale) aurait été bon ! si vous vous étiez embrassé... Sauf qu'il y avait là d'autres potes à lui. Et sauf surtout qu'il n'y a même pas pensé, parce qu'il n'y pensera jamais...

Il t'a aussi invité pour son anniversaire... Même s'il y avait des filles (trop !), et que tu n'étais donc pas tranquille, ce fut un bon moment. Tu aurais voulu lui faire un très beau cadeau, mais c'eut été trop voyant, et bizarre, alors tu as choisi un jeu vidéo. La Collector's Edition de Zelda quand même. Il était fou de joie ! et toi fou de bonheur de sa joie. Et pour te remercier, il t'a spontanément embrassé sur les deux joues. Tu es devenu tout rouge et il en fallut de peu que tu t'évanouisses... Un court instant – de folie, de magie –, c'était toi, Zelda ! et lui le beau et vaillant Link ayant bravé toutes les épreuves pour te délivrer... et t'enlever ! J'avoue avoir toujours eu un crush pour Link. Et je l'ai peut-être bien encore.

Il y en a d'autres, des héros, des mecs, qui sont mignons (vite fait), mais beaux comme lui, c'est pas possible, parce que lui, en plus, il a une présence. C'est comme ça, ça ne s'improvise pas, tu en as ou pas. Et lui, c'est même carrément du charisme. Il irradie, à la fois de beauté, de force, de sérénité, de vie, d'autorité virile (si l'on peut dire), de simplicité et par dessus tout : de naturel. Toutes ces grâces lui sont propres et rien ne pourra jamais les lui enlever. Et l'on a pu parler d'amitié entre vous. Tu as été jouer chez lui, où il t'a mis des branlées à FIFA, GTA V, ou "Call of" mais ce n'était pas désagréable qu'il te soit supérieur à ce genre de jeux. Par contre, tu étais bien meilleur que lui (plus inventif) à Minecraft ! Tu t'es rassasié de ces moments passés ensemble – pas toujours que tous les deux, mais bon –, ne comptant plus les fois où il te regardait de près, tout sourire, découvrant des dents assez grandes, sans appareil mais pas parfaitement alignées. C'est le genre de petits défauts qui te font fondre... Ces mains aussi étaient grossières : doigts courts et ongles très rongés. Autant de charmes puissants à tes yeux.

C'était un copain, à défaut d'être ton copain, ce qui était déjà bien beau ! car c'était pas gagné... Tu partais de loin. Un jour, bien avant, il t'avait dit : « T'es bizarre, toi. » T'as demandé pourquoi ? et il a juste répondu : « Je sais pas... mais t'es bizarre... » Il avait raison, et il flairait quelque chose, sans définir quoi. Son instinct masculin qui lui disait de se méfier ? J'en sais rien, mais tu ne lui étais pas vraiment sympathique. Depuis, si ! Un miracle.

Et puis ce furent les grandes vacances. Tout ce temps sans se voir... Quel supplice ! Tu partais en juillet, et lui en août. Heureusement, tu avais des vidéos et des photos de lui. Tu les regardais souvent... en te touchant, il faut bien le reconnaître. Tu étais malheureux de son absence, mais te consolais d'espoirs pour l'année prochaine. Qui sait ? C'est que ce sera la quatrième, et tu peux supposer que certaines perspectives s'ouvriront à toi. On a tous changé, après les vacances, autant de corps que d'esprit : on est plus mûr, on a d'autres aspirations, des désirs plus affirmés. T'espères juste qu'il a pas rencontré une meuf (vulgaire) dans un camping ou un truc dans le genre ! Il passerait son temps à tout raconter, en inventant un peu, mais aussi en ne disant pas tout... Ça te mettrait dans une rage folle ! et ça t'a mis dans une rage folle... Il paraît même qu'ils se sont galochés ! Première fois. Et ragnagna... La fin du monde. Tu t'es quand même masturbé, de dépit, en rêvant que tu étais cette fille.

D'un côté, comme prévu, le sexe occupait plus les esprits et les conversations, mais plus c'était présent, moins c'était possible pour toi... car toutes tes craintes se vérifiaient. Il n'y aura donc rien de plus avec lui, définitivement perdu, ni quoi que ce soit de bien pour cette année... Sauf que. Un événement imprévu va tout changer. Et l’événement en question, c'est peu après la triste révélation des amours de vacances de ton crush que tu l'as remarqué – je me demande toujours pourquoi pas avant... Tu l'as repéré de loin. C'est un nouveau. Mais alors ça, pour être nouveau, il est nouveau ! Et sur tous les plans. Et sans rien savoir de lui, tu t'es immédiatement dit : « Lui, il est comme moi. » Et du coup, d'un seul coup d’œil, voilà que celui qui était l'unique à faire battre ton cœur est redevenu un simple gars parmi les autres gars. Ni mieux, ni moins bien. Ordinaire. Et maintenant tu t'en balec à un point ! Instantanément, tu as relégué Mattéo au placard des souvenirs. Plus tard, y repensant, tu te diras : « Mais comment ai-je pu être amoureux de lui ? » Et tu as supprimé toutes ses photos et vidéos. C'est très injuste – et je le regrette aujourd'hui –, car il était charmant, gentil et un bon copain. Mais c'est qu'entre-temps, le nouveau sera passé par là ! Et là, je te raconte pas...


Épilogue : J'ai perdu de vue mon crush de cinquième après le collège, car il est parti en lycée technique. Je ne sais pas ce qu'il est devenu, mais j'espère sincèrement qu'il est heureux... avec qui que ce soit. Je le remercie en tout cas, du fond du cœur, d'avoir enchanté mon éveil sentimental, avec sa lumière et sa chaleur. Aujourd'hui, il a comme moi, 21 ans, et c'est certainement un mâle accompli, sur tous les plans. J'ose pas imaginer...


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